Semer l’espoir – Mois de la fierté 2025

Pour marquer le lever du drapeau de la fierté à Edmonton, le 11 juin 2025, le CFQO a invité quelques membres de la communauté à partager des discours et des témoignages. Marie Constant, amie de longue date du CFQO et jeune leader francophone, a laissé la foule émue par ses mots :

Je suis une femme de foi, queer, canadienne-française d’origine haïtienne.
Je suis cultures, héritage, éducation, cœur, passion, aventures…
Je ne suis pas seulement une couleur.
Ma peau — ce magnifique phénomène — est une histoire vivante.
Et mes cheveux ? Une couronne tressée par mes ancêtres.
Ces cheveux ont protégé, résisté, survécu. Ils portent les récits que nos livres ont trop souvent effacés.
Je suis descendante de lignées entières rejetées des manuels d’histoire, effacées des statues, oubliées des récits fondateurs.
Des peuples dont le sang coule sur cette terre même, depuis bien plus longtemps qu’on ne le reconnaît.
Je ne suis pas la première. Je ne suis pas une anomalie. Je suis non représentée.
Je fais partie de ces enfants qui ne se sont pas vus au centre de l’histoire — ni dans les luttes, ni dans les victoires, ni dans les défaites.
Des enfants à qui l’on a assigné une place plutôt que d’en offrir une.
Des enfants qui ont grandi sans la force, la fierté, ni l’énergie que donne le fait de se reconnaître dans ceux et celles qui bâtissent.
Je suis aussi descendante de soldats, d’éducatrices, d’artistes, de bâtisseurs, dont les sacrifices n’ont jamais été chantés.
Et pourtant… ils ont rêvé ce jour.
Un jour où les drapeaux se lèveraient sans honte, pour célébrer toutes nos identités.
Aujourd’hui, je prends la parole dans un contexte où la haine remonte à la surface.
Elle cible les jeunes, les personnes trans, les familles 2SLGBTQIA+, particulièrement celles racisées ou issues de l’immigration.
La peur monte. Les lois se durcissent. Les mots deviennent armes.
Et pourtant, nous sommes encore là.
Coloré·e·s. Courageux·ses. Enraciné·e·s dans la dignité.
Car porter une identité queer et être issu·e de l’immigration, ce n’est pas simplement exister à l’intersection de deux mondes.
C’est souvent devoir négocier sa survie dans les deux.
Dans sa propre famille, où le silence est parfois une question de sécurité.
Dans la société, où l’on doit prouver qu’on mérite d’être vu, protégé, célébré.
La double marginalisation nous vole souvent la tranquillité, mais jamais notre humanité.
Alors aujourd’hui, je rêve — encore — d’une plateforme.
Une plateforme pour éduquer, pour amplifier l’histoire de celles et ceux qu’on n’a pas voulu voir.
Un espace où les enfants comme moi peuvent se reconnaître dans la lumière.
Un espace où l’on n’est pas une parenthèse, mais une phrase centrale du récit collectif.
Que ce drapeau qui se lève soit un rappel, pas une exception.
Un rappel que notre fierté est résistance.
Que notre visibilité est guérison.
Et que chaque jeune queer, racisé·e, immigrant·e, mérite de grandir sans peur.
Aujourd’hui, je choisis l’espoir.
Et je le sème — à voix haute.

De la part du CFQO, bon mois de la fierté!

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